- SMITH (D.)
- SMITH (D.)SMITH DAVID (1906-1965)La place du sculpteur David Smith, dans l’histoire de l’art américain de ce siècle, ne peut se comparer qu’à celle de l’architecte Frank Lloyd Wright ou à celle du peintre Jackson Pollock. Comme eux, il libéra l’art de son pays du provincialisme dans lequel il était installé depuis de nombreuses années à l’égard de l’Europe et créa à partir d’un vocabulaire original fondé sur le caractère spécifique du tempérament américain une tradition nouvelle qui devait ouvrir la voie à de nombreux artistes. Descendant d’un pionnier forgeron, ayant horreur des contraintes, gagnant lui-même sa vie en faisant cent métiers, David Smith, personnage héroïque et romanesque de la vie artistique new-yorkaise, devait connaître, comme Pollock, une fin tragique dans un accident de voiture. Exubérant et énergique, il a produit une œuvre immense (plus de six cents sculptures, des milliers de dessins et de peintures, sans compter les poèmes et les écrits) qu’une importante rétrospective au Solomon R. Guggenheim Museum de New York devait consacrer en 1969.Étudiant à l’Art Students League dans l’atelier de Jan Matulka, David Smith est d’abord peintre et ne s’initie à la sculpture qu’en 1930. Sa démarche artistique sera longtemps marquée, pour ne pas dire gênée, par cette double appartenance et ce souci constant de concilier peinture et sculpture, souci qui fait de ses œuvres, souvent lisibles sur une seule face, la simple transcription du tableau dans un espace à trois dimensions. Initié au cubisme et au constructivisme, Smith subit jusqu’en 1940 l’influence des grands courants européens et l’on retrouve dans ses sculptures, presque essentiellement axées sur la figure humaine, des souvenirs des œuvres de Picasso et de González, auxquelles viendront s’ajouter plus tard les influences surréalisantes de Giacometti et de Miró. À partir de 1950, échappant à l’empreinte des grands maîtres parisiens, Smith élabore une œuvre personnelle et originale fondée sur un langage linéaire et graphique (Blackburn, chant d’un forgeron irlandais , 1950, Marborough Gerson Gallery, New York; Vingt-Quatre Y , 1950, Museum of Modern Art, New York; Paysage de l’Hudson , 1951, Whitney Museum, New York). Incorporant à ses sculptures des objets trouvés, ciselant et martelant avec force de longues barres d’acier ou de fer — «qui lui permettent, dit-il, des associations qui sont celles de ce siècle: puissance, structure, mouvement, progrès, suspension, destruction, brutalité» (cité par B. Rose, in L’Art américain depuis 1900 , Bruxelles, 1969) —, il inscrit dans une sorte de «graphisme spatial» tout un jeu de formes métaphoriques et lyriques, qui se combinent et se croisent avec une force qui atteint le monumental. Cependant, c’est incontestablement dans les dix années qui précédèrent sa mort et qui virent une intense production que l’œuvre de David Smith atteint à son plein épanouissement. Trois grandes séries dominent cette dernière période, celle des Voltri Bolton , immenses figures anthropomorphiques où sont accentués silhouettes et plans (produites au cours d’un même été, elles furent exposées au festival de Spolète en 1962); les Zig (Zig IV , 1961, Lincoln Center, New York), rigoureusement géométriques; et enfin celles des Cubi (Cubi XXVIII , 1965, The Solomon R. Guggenheim Museum, New York), immenses compositions sculpturales échappant à tout anecdotisme, qui dressent dans le ciel leurs gigantesques masses d’acier inoxydable faites de parallélépidèdes et de cubes, qui s’équilibrent par le seul jeu du rapport des volumes. Dépouillées, impressionnantes, monumentales et modernes, elles ouvraient la voie à toute une génération d’artistes, parmi lesquels il faut compter ceux du Minimal Art.
Encyclopédie Universelle. 2012.